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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Et, tandis que l’écho des vers, l’écho menteur,
Endormait doucement mon oreille charmée,
Il me semblait sentir, dans la brise embaumée,
De ces divines chairs l’odorante moiteur :

Car des corps alanguis et des lèvres mi-closes,
De l’épaisse toison des cheveux blonds et bruns,
S’exhalait à l’entour l’ivresse des parfums,
L’ivresse assoupissante où dort l’oubli des choses !





LES SIRÈNES




Bleue à peine et laiteuse, étincelante et pâle,
Sous les claires blancheurs qui tombent de la lune,
Tu gonfles, ô Thétys, ton beau ventre d’opale
Qui se prête aux vaisseaux des chercheurs de fortune.

Vers des bords insondés ils iront faire escale,
Poussés par l’avarice et la brise opportune ;
Et puis, ils reviendront, chargés à pleine cale
Des perles, des coraux dérobés à Neptune...

Cependant, à l’avant, j’interroge les vagues,
Moi dont le cœur, Déesse, est plein de choses vagues,
Moi que charment la lune et la musique tendre,

Je me penche, la nuit, sur l’onde, et m’évertue,
Écoutant, écoutant, car mon rêve est d’entendre
La Sirène aux yeux verts qui si longtemps s’est tue !