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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


C’est le déclin dun jour tiède de mars ; la paix
Avec l’ombre grandit dans les taillis épais.

Au ciel, à pas de loup, le crépuscule arrive ;
Seule, on entend chanter encor la haute grive.

Du haut d’un chêne nu que dore le couchant,
Elle envoie, au soleil qui meurt, son dernier chant.

Dans le calme du soir, sa voix harmonieuse
Aux sons flutés éclate en fanfare joyeuse.

Son chant monte sonore et câlin ; on dirait
Que, pour l’ensommeiller, il berce la forêt.

Et bientôt la forêt semble s’être engourdie
Aux refrains caressants de cette mélodie.

L’ombre s’accroît ; la nuit comme un flot de velours
Sur le bois lentement déroule ses plis lourds.

Mille vagues senteurs écloses de la terre
Au travers des fourrés flottent avec mystère.

Voici que le soleil enfin s’est abaissé
Sous l’horizon ; le chant de la grive a cessé.

La forêt, prise alors de langueurs amoureuses,
Tressaille jusqu’au fond de ses entrailles creuses.

Mi-pâmée, elle sent passer de courts frissons
Voluptueux, dans sa futaie et ses buissons.

Pareils aux doux soupirs qu’une amante murmure,
De longs chuchotement! courent sous la ramure.