eorges Rodenbach est né en 1855, à Tournai, d’une
famille depuis longtemps dévouée aux lettres. Il fit ses études
à Gand ; puis, après une année de séjour à Paris, vint plaider
au barreau de Bruxelles, tout en prenant une part très active au
mouvement littéraire de la Jeune Belgique. L’œuvre poétique de M. Rodenbach
accuse trois manières assez distinctes. Son premier recueil, Les
Tristesses (1879), n’a pas la forme savante et originale des suivants, mais,
par la spontanéité, par la santé de l’inspiration, il garde son prix à côté
d’eux. La Mer Élégante (1881) et L’Hiver Mondain (1884) marquent
une étape nouvelle. « Les amateurs de poésie intime et de modernité
— il y en a beaucoup en nous comptant, écrivait M. François Coppée —
apprécieront fort La Mer Élégante, car c’est l’oeuvre d’un sentimental et
d’un raffiné. » Toutefois, dans L’Hiver Mondain surtout, le sentiment
n’allait pas sans affectation, ni le raffinement sans mièvrerie. On pouvait
craindre que M. Rodenbach s’attardât aux séductions « poudrerizées » de
cette « dolente Muse, au charme artificiel, » qu’il déclarait élire pour
sienne. Heureusement, sa nature délicate, moins sensuelle que mystique,
lui fit bientôt chercher pour ses mélancolies d’autres cadres que les
boudoirs et les plages à la mode. Quittant le Kursaal d’Ostende pour les rues
désertes de Bruges, oubliant les mondanités pour Van Eyck et Memling,
il écrivit son maître-livre, La Jeunesse Blanche (1886), ou la pureté
des nostalgies, ou la noblesse des inquiétudes, s’allient cette fois à la
subtile science des vers. C’est là encore, et, depuis, dans une précieuse pla-