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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


LE FLEUVE




D’abord, c’est le torrent farouche et redoutable,
Né dans l’âpre montagne, à la face des cieux.
Il roule, remuant les rocs silencieux,
Et lui-même effrayé de son bruit lamentable.

Il avance, — il devient le grand fleuve dolent,
Qui, sous des cieux lointains, dans la plaine infinie,
Ainsi qu’une éternelle et muette agonie,
Traîne son large cours mélancolique et lent.

Ce torrent, c’est la vie, et ce fleuve, c’est elle.
Sanglotante d’abord, résignée aujourd’hui,
Elle passe, emportant dans ses flots lourds d’ennui
Notre immortel espoir, notre peine immortelle.

Ne lui résiste pas, toi qui veux vivre un jour!
Aux remous des douleurs livre ton âme neuve.
Et, dolent comme lui, t’abandonnant au fleuve,
Va finir dans la mort en passant par l’amour !





PROMÉTHÉE




Ivre de la douleur dont il est torturé,
Levant sous l’infini sa tête ensanglantée,
Cloué sur le rocher qui brûle, Prométhée
Livre au vautour muet son cœur désespéré.