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LOUIS FRÉCHETTE.

Pour l’immortalité jeter aux quatre vents
Le nom des héros morts et des héros vivants.
Pour que dans le passé l’avenir sache lire,
Des poètes divins ont accordé leur lyre,
Et mêlent, dans l’éclat de leurs chants souverains,
Les clameurs d’autrefois aux bruits contemporains.
Le Progrès, dans son antre où maint flambeau s’allume,
Sous son marteau puissant fait résonner l’enclume
Où se forge déjà la balance des droits,
Où pèseront plus tard les peuples et les rois.
La Science commence à voir au fond des choses.
Les Arts, ces nobles fleurs au vent du ciel écloses,
Entr’ouvrent leur corolle au fronton des palais.
Que dis-je ? La Nature elle-même, aux reflets
Des nouvelles clartés que chaque âge lui verse,
Sourit plus maternelle en sa grâce diverse ;
La mamelle épuisée à nourrir ses enfants,
Dans des élans de joie et d’amour triomphants,
Elle s’ouvre le flanc pour sa progéniture ;
Et, dans son noble orgueil, — sainte et grande Nature !
Mêle son cri sublime à l’hymne solennel
Qui monte tous les jours de l’homme à l’Éternel.

Pourquoi cette antithèse et ce contraste immense ?
Celui par qui tout meurt et par qui tout commence,
Par qui tout se révèle ou tout reste scellé,
Celui qui fit les fleurs et l’azur constellé,
Qui veut que tout renaisse et veut que tout s’effondre,
Arbitre sans appel, pourrait seul nous répondre !

Aux bords ensoleillés de son beau Saint-Laurent,
Ou sous l’ombre des bois au rythme murmurant
Qui te prêtent leur sombre et riche draperie,
Quand le désœuvrement conduit ma rêverie,