Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t1, 1887.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
BÉRANGER.

À tâtons l’Amour, chaque nuit,
Nous attelle au char qu’il conduit.

Ton œil ne peut se détacher,
                 Philosophe
             De mince étoffe,
Ton œil ne peut se détacher
Du vieux coq de ton vieux clocher.

Voir, c’est avoir. Allons courir !
                 Vie errante
             Est chose enivrante.
Voir, c’est avoir. Allons courir !
Car tout voir, c’est tout conquérir.

Mais à l’homme on crie en tout lieu,
                 Qu’il s’agite
             Ou croupisse au gîte,
Mais à l’homme on crie en tout lieu :
« Tu nais, bonjour ! Tu meurs, adieu ! »

Quand nous mourons, vieux ou bambin,
                 Homme ou femme,
             À Dieu soit notre âme !
Quand nous mourons, vieux ou bambin,
On vend le corps au carabin.

Nous n’avons donc, exempts d’orgueil,
                 De lois vaines,
             De lourdes chaînes,
Nous n’avons donc, exempts d’orgueil,
Ni berceau, ni toit, ni cercueil.