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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Car près de l’Océan, pareils aux flots sauvages,
Des guerriers se ruaient à la mort par milliers,
Et, tels que des aurochs beuglant dans les halliers,
Faisient de leurs clameurs retentir les rivages.

Lors, Odin, attiré par ce grand bruit de fer,
Se pencha lentement au-dessus de l’abîme,
Et pris d’une âpre joie, à ce combat sublime,
Il regarda joyeux, avec un rire amer !

Des Francs et des Romains luttaient. Casques, armures,
Javelots, chars rompus, gisaient amoncelés.
Les sables noirs fumaient, de sang rouge gonflés,
Et les hommes tombaient comme des moissons mûres.

Les barbares chantaient : « Sur des coursiers sans frein
Nous combattons, le sol se couvre de cadavres.
Vautours chauves, corbeaux qui rôdez dans les havres,
Venez fouiller les cœurs avec vos becs d’airain.

« La vie est comme un songe, et les heures sont brèves !
Mais nous savons braver la mort en souriant...
La bataille grandit sous le ciel flamboyant,
Le sol frémit du choc impétueux des glaives ! »

Et, l’ardeur du combat les grisant peu à peu,
Dans la mêlée horrible ils volaient avec joie,
Plus prompts que des milans qui fondent sur leur proie,
Défiant le danger, farouches, l’œil en feu.

La plage n’était plus qu’une arène sanglante
Couverte de débris et d’épais tourbillons,
Où le fer et l’acier décrivaient des sillons,
Ainsi que des éclairs dans une nue ardente !