Et toute la douceur de leurs effluves lents
Me caresse et me couve :
Tels que jadis, troublés et plus encor troublants,
Oui, tout pareils je les retrouve !
Chers yeux, miroirs plaintifs, quelle ombre habite encor
Vos dolentes prunelles,
Alors que maintenant s’est ouvert le décor,
Pour vous, des choses éternelles ?
Toujours ce regret vague ou cet arrière-effroi
Qui les emplit vivantes !...
Chers yeux, je vous contemple, à présent, et c’est moi
Qu’envahissent des épouvantes :
Puisque la Mort n’a pas changé votre regard,
Sous vos paupières lasses
Était-ce donc déjà son fantôme hagard
Dont l’ombre ternissait leurs glaces ?
Est-ce elle, ô mon amour, que j’ai vue en tes yeux,
Veloutant leur caresse ?
Est-ce elle, en les voilant, qui m’a fait chérir mieux
Les yeux profonds de ma maîtresse ?
Ô Mort fatale, écrite en ces yeux que j’aimais,
Une angoisse me hante :
Si c’était toi, secrètement, qui me charmais,
Mort dormant sous leur eau dormante ?
Et quand si tendrement sur eux tant de baisers
Descendaient de mes lèvres,
Si j’y baisais déjà tes tourments déguisés
Et la menace de tes fièvres ?
Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t4, 1888.djvu/181
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
FÉLIX JEANTET.