Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de la terre. Tous les hommes sont un même homme antique et éternel. Près du creuset j’avais dressé une pierre énorme, pensant : cette pierre me tiendra lieu d’enclume.

Feu ! âme du monde ! toi qui me donnas ce fer, sois-moi propice. Achève la combustion afin que le sable et toute la matière impure soient précipités et qu’il ne reste au fond du pot que le lingot précieux ! Un fils obscur du monde ici tressaille et s’angoisse, captif d’un enchantement. Feu ! Feu sacré ! toi seul peux délivrer ses lourds esprits enchaînés ! Je ne parlais pas, mes dents restaient serrées sur ma peine et mon secret, et pourtant c’était bien là le sens des voix qui bourdonnaient en moi. Ainsi avec une foi naïve, comme un homme des âges, j’humiliais à la prière mon cœur sauvage et une sueur épaisse ruisselait de mon front enflammé et noir. Tout mon être brandi, les nerfs tordus et raides, je ne vécus plus que le bouillonnement de l’œuvre derrière l’argile brûlante. J’avais la sensation de brûler sur un glaçon, le cœur en feu, les mains et les pieds gelés.