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Et le midi passa, un soleil pâle comme un tison s’éteignit dans le brouillard humide. J’avais perdu la notion du temps, les heures à la fois étaient lourdes et légères sur ma peine d’angoisse et d’espoir. Et tout à coup, une onde ardente, l’impur et dense laitier commença d’écumer par l’ouverture, charriant le sable et les scories comme un torrent furieux. Joie ! Joie ! Joie ! Joie ! Mon cri rugit à travers la forêt, car maintenant je ne pouvais plus douter que j’avais obéi à de sages calculs. Je fendis donc le creuset ; la boule ignée était au fond, blanche et spongieuse. J’y plongeai un éclat noueux de cornouiller et l’en retirant avec une part de la coulée, je courus vers la pierre qui me servait d’enclume. M’aidant d’un grès lourd, je battis le fer, le tournai et le retournai, tâchant de lui donner une forme cubique. Mes aisselles se déchirèrent dans l’effort. Le sang coula de mes ongles arrachés. Et toujours avec la pierre je frappais de grands coups sur le lingot mou. Le bois autour tressaillait comme si dans la colère j’avais frappé le cœur même de la terre.