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demeure la claire prophétie. Comme le jour qui va et vient, incline-toi et puis te redresse d’un rythme égal et lent.

Les jours s’allégèrent. Leur courbe plus longue plongea dans des lumières fraîches et vierges. La maison fut l’arche délivrée, ouvrit sa porte au vent. « Va devant toi, me dit Ève un matin, descends jusqu’aux limites. Peut-être le printemps est déjà dans la plaine. Mes seins m’ont avertie : ils pèsent à ma poitrine le poids d’un monde. » Je revins du bois et je lui dis : « Des bourgeons verts gonflaient la pointe des taillis comme de petites mamelles. Et avril à petits pas joyeux venait par la clairière. » Or, à quelque temps de là, étant retourné vers la plaine, je vis que la cosse des bourgeons avait éclaté. Une fine dentelle d’or feuillageait les arbres ; le vent les agitait comme des mains, dans une théorie dansante.

Alors je rentrai en courant, levant dans mes doigts un rameau vert en signe de bonne nouvelle ; et une folie évanouissait mes yeux pâles, dans la beauté tendre du jour. Je criai de loin,