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comme un messager qui devance un prince : « C’est le printemps, chère Ève ! Le jeune roi du monde là-bas s’avance sous les palmes. » M’entendant ainsi me réjouir et annoncer celui qui venait, Ève eut une douce défaillance. « Qu’il soit le bienvenu, cher homme, fit-elle en laissant couler ses larmes, car je puis bien te le dire à présent, je me mourais de toujours l’attendre. » Tous deux ensuite nous parlâmes très vite. Le narcisse bientôt refleurira, divine amie ! Ami, ce sera le temps de la fraise sauvage des bois ! La fleur laiteuse de l’ortie ! Le chèvrefeuille à l’odeur de safran ! Chaque parole avait un sens secret qui se rapportait aux nativités ; la terre profondément renaissait en nous. Et puis je fléchis la tête jusqu’à ce que, avec dévotion, ma bouche touchât ses seins. « Un petit enfant, beau comme le narcisse et frais comme la fraise, boira ton lait vermeil. » Ève ressembla à une petite vierge des tableaux d’Annonciation. Elle regarda longtemps la terre à ses pieds et à peine je pouvais entendre ce qu’elle disait : « Un enfant ! Un enfant !