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Et moi ! Et toi ! » La vie était comme une ruche d’abeilles à ses lèvres.

Une force merveilleuse de nouveau rendit mes doigts laborieux et souples. Voici l’ouvrier qui fit le berceau. Voici l’homme de bon courage qui, avec les clous et le rabot et le marteau, assemblera les ais de la huche. Je terminai donc la huche et avec ce qui resta du hêtre, comme il vient une dernière petite rose après que le buisson fut moissonné, je taillai trois chaises. La première, large et profonde, je la destinai à Ève pour le temps où elle serait mère. Je fis aussi un escabeau pour moi, étant le père. Et la troisième, dans ma pensée, plus petite que les deux autres, servirait à l’enfant. Ce fut l’image de la famille et les chaises à leur tour, avec leur taille mesurée à la variation des âges, eurent entre elles un air naïf et familial. Ainsi le bon hêtre qui avait poussé sous le soleil et la pluie dans le bois des âges, s’égala à un géant paternel d’où sortent les lignées. Et comme je finissais de clouer la chaise légère de l’enfant, l’anémone et le narcisse se levèrent au vent tiède de mai.