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se reflétait le ciel et il n’était pas triste. Ainsi il nous donna la suprême leçon et il faut accepter avec résignation la vie. « Mes heures dans le bois furent une trêve harmonieuse, nous dit-il ensuite, et maintenant je vais là où je dois aller. Chères créatures qui m’avez fait une famille, vous êtes la jeune humanité. Moi, je suis l’ancienne, qui passe et qui s’en va. »

Il prit Héli, l’éleva dans ses mains lourdes et disant : « Enfant ! Sois l’homme futur ! » il le dédia à la joie, à la beauté, à la nature. Et puis il laissa planer ses antiques paumes ; nous nous tenions courbés, le visage incliné vers la terre. Une après-midi des âges régna, solennelle et tendre, comme au temps où les premiers hommes quittèrent la tribu. Et enfin il s’en alla. J’accompagnai le vieillard jusqu’aux limites et là, je l’embrassai longuement, sa barbe givrée mêlée à mes poils roux. « Père, lui dis je, laisse-moi espérer au moins que tu nous reviendras un jour. » Mon cœur sanglotait sous les arbres. Il secoua le front : « Le fleuve ne remonte pas son cours, ami. Et