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qu’ainsi elle fît partie de la famille au même titre qu’une servante ou qu’une nourrice. La vache s’appela donc Maïa ; son aïeule avait porté ce nom des saintes légendes. Et moi, en mémoire d’un vieux domestique qui guida mes premiers pas, ayant pris la tête de l’âne entre mes mains et lui soufflant dans les yeux, je lui dis : « Sois Noël. » Ils vécurent dès lors au seuil de la maison, élevés à la dignité des créatures. Et entre eux et nous il n’y eut d’autre barrière que leur âme obscure et taciturne. Noël, peluré d’argent, les jambes hautes et fines, ressembla à l’âne de Judée qui porta l’enfant divin. Maïa, blonde et basse de mamelles, était comme une fleur de la terre. L’un et l’autre arrivaient à notre voix.

L’arche, avec le flot accru de la vie, monta. Un souffle continu et paisible palpita, venu de la maison et de l’étable. Et c’était l’été de la troisième année. Un matin, j’étais parti comme un chef de tribu s’en va en expédition. J’avais visité les villages, échangeant la vie des bêtes contre des coupes d’arbres dans