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la forêt. Et puis l’âne et la vache étaient entrés dans Éden. Les sabots nerveux de Noël, près de mes pas lourds, trottaient avec des craquements légers. Nous allions ensemble du côté de la hêtraie. Un sage laboureur veille aux litières et aux engrais. Avec le fauchet j’amoncelais les feuilles, je les chargeais ensuite sur l’échine de l’âne. Là-bas, dans l’ancienne jachère, le seigle lentement finissait de se dorer. Il était grêle et rare, ayant été semé dans cette terre pauvre. Le chaume maigre, plus que l’épi, en avait pompé les sucs misérables. Mais moi, inexpérimenté et ingénu, qui selon mes forces, avais bêché et ensemencé le champ, j’admirais la vie opiniâtre de la graine qui avait percé les mottes dures. Une tige après une autre avait monté, effilée et frêle, et toutes étaient comme le prolongement de mes propres fibres, dans la beauté commune du travail de la germination.

Ève quelquefois avec moi venait là, portant maintenant Abel sur son sein. Et encore une fois son désir s’était retiré de moi. J’étais le