Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/343

La bibliothèque libre.
Cette page n’est pas destinée à être corrigée.

279

ADAM ET ÈVE

chair nuptiales. C’est pourquoi je te fais cette blessure. » Mes gestes se mouvaient religieux et précis. Mariant ainsi les vies vertes selon la loi de l’hymen et du sacrifice, je fus inti­ mement avec l’âme de la terre. Et tout greffe est un symbole : il a la beauté du lingam ; il s’assimile aux fructifications chez la créature. Comme l’époux darde aux entrailles de la vierge, le rameau s’insinue aux lèvres déchi­ rées de la plaie. Et j’appelai Ève et lui dis : « J’ai greffé ma vie sur la tienne. Je t’ai donné Héli et Abel. A présent vois, j’ai uni à cette tige sauvage une essence jeune et parfumée. » La solitude met au cœur d’étranges et so­ lennelles paroles ; tous les hommes ne peu­ vent les comprendre ; mais les arbres et le ciel les entendent. Or, cette fois encore, ayant accompli cette chose simple et belle, nous célébrâmes l’événement en dansant sur un mode naïf et joyeux. Nos jeux ainsi devinrent des rites : ils se rapportaient aux labeurs quotidiens, aux actes mémorables, au’ bien­ fait des destinées. Nous fêtions la vie comme le saint devoir proposé à tous les êtres. Et


UooQle