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Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/73

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lier ; les plants germèrent dru ; ils vendaient à pleins boisseaux leurs pois ; et leurs choux rondirent comme des boules à quiller. Ce fut une détente dans leur sauvagerie de vieux loups ; il y eut des jours où ils se parlèrent ; la maison fut échaudée à neuf ; et ils avaient une joie de proie conquise à imprimer sur la terre leur talon vainqueur. Les mauvais temps étaient passés ; ils allaient jouir de leur bien comme les autres ; le Forgeu guigna même une allonge à cette possession qui lui avait tant coûté. Et ils étaient pleins d’estime pour le sol. Toutefois une défiance leur était demeurée ; constamment ils le surveillaient, redoutant une reprise des hostilités, comme d’un ennemi terrassé, mais qui n’attend que le moment propice pour se redresser. Ils s’échinèrent l’arrière-saison et l’hiver suivant à fouir, bêcher, drainer, herser, en un métier de cheval qui les dessécha comme de l’amadou.

Alors la bête maligne qu’ils soupçonnaient au fond du champ fut matée. En deux ans