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J’ai pu dire ailleurs d’Eugène Smits qu’il apporta dans l’art belge un sens particulier de la couleur, approprié à un ordre de sensations fines et patriciennes. Sa peinture éveille un goût de volupté langoureuse et noble ; il suggère le songe, la méditation, le désir, les regrets et l’amour ; son œuvre tient d’une sorte d’état d’âme silencieux et nostalgique. Il semble avoir transposé en des musiques fières et douces les ardentes symphonies d’un Titien ou d’un Véronèse auxquels il fait penser. Smits devait réunir dans un album les planches où, à son tour, stimulé par l’exemple du maître qui les enflamma tous à son feu d’art et de travail, il s’entraîna à graver de belles et élégantes figures aux attitudes nobles et réfléchies.

Rops ne cessa pas d’avoir l’autorité persuasive des chefs d’école ; tout seul, il suffit à éveiller dans les âmes la petite passion de l’autre chose avec laquelle on fait partir les courants nouveaux. Tous arrivaient regarder par-dessus son épaule l’assurance et l’entrain avec lesquels il se jouait des plus périlleuses difficultés. À chaque cuivre, il allait à la découverte ; il avait un flair de chasseur pour la trouvaille ; on le voyait toujours au guet de ce qui pouvait assouplir et renouveler son métier. Quand, après lui, les adeptes, les néophytes de la petite bande à leur tour s’essayaient à ce qu’il avait fait, il leur fallait bien reconnaître que son tour de main tout de même était de la sorcellerie, une sorcellerie venue de ses nerfs, de son sang, du plus sensible et du plus passionné cerveau d’art qui fût, et où il y avait de la force, de la verve, de la folie, de la sagesse, une grâce mousseuse et endiablée, le magnétisme qui fait descendre aux doigts les parcelles vivaces de la race actionnée par une âme concentrée et volontaire.

Les cahiers d’estampes périodiques qui, dès la constitution de la Société, parurent sous le titre : Album de la société des Aquafortistes belges, sont utiles à consulter ; des noms se produisent, puis disparaissent ou ne repa-