Page:Lemonnier - Félicien Rops, l’homme et l’artiste.djvu/23

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l’attirer bientôt. Il s’émerveilla d’air, d’espace, de vent et de soleil. Surtout j’imagine qu’il sentit s’éveiller le rire intérieur pour les plaisants échantillons d’humanité que lui fournissait cette Wallonie joviale, linguarde et craqueuse qu’il portait lui-même dans le sang. Le sens comique, depuis le trait mordant jusqu’à la farce grasse, lui naquit et fut l’assise de sa philosophie prochaine. Quand le moment fut venu, il put se repérer sur ses souvenirs.

Namur, chef-lieu de province, dans sa cuve où confluent la Meuse et la Sambre, était, en outre, le carrefour des routes qui partaient en tous sens vers les bastides et les grosses censes. « À Grognon » dételaient les immémoriales diligences jaunes, venues de Dinant, de Gembloux et de Floreffe, et relayait l’innombrable carrosserie des tilburys, des cacolets, des landaus qui, par les raidillons en circuits, amenaient, les jours d’affaires et de marchés, les hobereaux, les grands herbagers et les marchands de grains de tout le pays environnant. Ah ! ces marchés obstrués d’un enchevêtrement de timons et déroulant à travers rues et venelles les mannes de fruits et de légumes damasquinés d’automne, les montagnes d’œufs et les dômes de beurre, les hécatombes de gallinacés dodus et les grands cadavres de porcs