Page:Lemonnier - Félicien Rops, l’homme et l’artiste.djvu/78

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de Lumey, qu’il fait pour la Légende, s’écartent tout à fait, en leurs tailles hachées, droites et sévères, sans veloutés d’ombre, des lithographies antérieures et proposent une manière soudaine, concise, abrégée et forte, comme la synthèse de l’art où va se chercher un grand artiste. Elle prit si fort De Coster qu’il ajouta à son texte un passage pour justifier le Pendu que lui apportait Rops et qui, d’abord, n’eut pas d’attribution.

Mais, bien que ce ne soit encore qu’une étape, quel travail avant d’en arriver là ! Il a remisé ses crayons et dépouillé la virtuosité chatoyante qu’il en tirait, comme une forme qui n’intéresse plus son mobile esprit, épris de solutions nouvelles. La pointe d’acier, souple, rapide, frémissante l’induit en l’espoir d’un art spirituel et délié, moins chargé de matière. Il ne perd rien de ses étonnantes adresses manuelles au surplus. Sitôt qu’il s’est mis au cuivre, il retrouve la verve, l’aisance et le caprice qu’il avait sur la pierre : l’accent seul, en passant du grain de celle-ci à la plaque lisse, a changé.

Il faut retenir à cette date l’imprévu qu’il met dans la Femme au boléro, la Vieille au bonnet blanc, la Femme au miroir et cette noire Soutkin d’une âme ardente et tragique.

Dans les trois suggestives eaux-fortes qu’il fait pour les Légendes flamandes de De Coster, il s’amuse à des jeux de tailles maillées, tricotées, régrédillées et où, tout de suite, triomphe la plus diligente main-d’œuvre. Comme pris un peu du vertige de cet art qui va lui livrer un monde, il gratte, il taille, il brode, il guilloche, il cisèle, et n’a jamais fini de tout couvrir, menu, ingénieux et puissant, révélant des effets qu’ignorait encore la gravure. Il y a là, évidemment, un peu trop de tout, mais de ce trop-là se fait la décantation des grandes œuvres définitives.

Sa vie, à cette époque, se partage entre Namur et Bruxelles ; mais il fait tirer ses planches à Paris. Paris surtout l’attire : il y a des amitiés illustres ;