Page:Lemonnier - Gros, Laurens.djvu/117

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mèche allumée qu’il approche du canon, pendant qu’un Espagnol agenouillé fait un geste de déprécation épouvantée et que, d’autre part, l’acte de capitulation est remis à l’Empereur.

Quelquefois l’intention est mesquine ou forcée. On sait qu’Ariane, abandonnée par Thésée, se consola immédiatement avec Bacchus. Eh bien ! dans le tableau de Bacchus et Ariane, celle-ci, soutenue par Bacchus, tend vers la voile qui emporte Thésée l’index et le petit doigt écartés. Et le rédacteur du catalogue de 1827 voit là une « malice », dont on devine facilement la signification.

Mais aussi, grâce à cette préoccupation constante de l’expression, Gros arrive à des effets à la fois très délicats et très démonstratifs : les deux gestes de Bonaparte à Jaffa et à Eylau, par exemple. À Jaffa, le bras qui se retire tout en se tendant, pour toucher — à peine — la plaie du pestiféré. À Eylau, le bras suspendu plutôt que tendu, amolli, alangui, et comme chargé de tristesse. Dans le Départ de Louis XVIII, la démarche lourde du roi et son geste d’adieu à ses courtisans.

Par là, Gros a des côtés de classique ; il en a aussi pour ceux qui considèrent que c’est être classique que de s’attacher au choix des sujets, à la part de psychologie générale — et non plus particulière — qu’ils contiennent, à la composition. Il continue la tradition française des artistes du XVIIe siècle, qui voyaient dans la peinture le moyen d’exprimer des idées, des passions nobles ou fortes, qui la concevaient à la façon d’un drame ou plutôt d’un mo-