de 1806, qui contenait quelques idées fort justes et, en certaines parties, une esthétique plus indépendante qu’on ne l’attendrait de lui. Il s’élevait particulièrement contre la comparaison qu’on faisait entre Gros et Le Brun, à l’avantage du dernier, et déclarait que la Bataille d’Aboukir était autrement vraie, autrement poétique, autrement héroïque que l’Arbelles ou l’Issus si vantés.
Il n’en faut pas moins avouer que, si Girodet avait raison, car l’œuvre est belle, les critiques n’avaient pas tout à fait tort. C’est bien en effet le « coloris rosé », une tonalité générale à la fois brillante et froide, une touche raide et sèche, qui frappent désagréablement l’œil à la première vue du tableau. Il manque d’harmonie et de plans. Ces défauts peuvent-ils s’expliquer en partie par des restaurations exagérées ou maladroites ? La Bataille d’Aboukir eut des destinées fort agitées : emportée par Murat, lorsqu’il fut devenu roi de Naples, et placée dans un de ses palais, elle fut, à la chute de Murat, reléguée dans les combles. Lorsque quelques curieux étaient admis à la voir, le concierge la déroulait et les visiteurs marchaient dessus pour distinguer les différents épisodes. Stendhal raconte une visite de ce genre, en 1824, et la forte impression qu’il en ressentit. Gros racheta ensuite son tableau, puis le vendit, en 1833, à la direction des Musées royaux qui, en le destinant à Versailles, eut à le faire remettre en état. Dans ces vicissitudes, on ne sait pas quelles libertés les restaurateurs ont prises avec la toile.
Seulement la composition dans tout cela resta intacte