entrailles à la vue des restes mutilés que les brigades maintenant ramenaient de partout.
— Nos pauvres amis ! fit-il en se découvrant.
Ce fut la première parole de pitié chaude tombée sur le massacre de toute cette humanité frappée dans l’accomplissement du devoir.
XXI
ne hécatombe s’entassait à présent sur un coin du pavement à la
hâte déblayé. Cinq cadavres, y compris celui du Spirou, avaient
été successivement apportés. Pêle-mêle, ces restes humains s’épaulaient dans la camaraderie de la mort. Tant bien que mal, une
jambe déchiquetée, d’une pâleur exsangue de mou de veau échaudé,
avec des filoches de charnure et un lourd soulier de cuir demeuré
lacé sur le pied, avait été adaptée à une carcasse sans tête, hachée
en haut des cuisses. Un bras, dans une manche de chemise lignée
de bleu, et qui semblait avoir été découpé au coutelas sur un
tronchet de boucher, tant la scission était égale, ensuite s’apparia,
grêle, avec son poignet d’éphèbe au bout duquel une petite main
noire se tordait, à un biceps musculeux, encore attaché à un fragment d’humérus, un horrible quartier de viande pareil à une
éclanche s’égouttant d’un pendoir. À chaque instant, on déterrait
de dessous les gisements d’informes détritus, une charcuterie de
téguments, de moelles et de viscères, comme la balayure d’un
abattoir, où la forme humaine, tailladée et dépecée, ne parvenait
plus à se recomposer. Les hommes, quelquefois, avec d’horribles
nausées, étaient obligés de ramasser, dans le creux de leurs
paumes, une boue de cervelles qui leur coulait à travers les doigts,
et leurs visages en demeuraient barbouillés d’éclaboussures rouges.
Ils en étaient maintenant à leur neuvième blessé, Malplaquet, un jeune crocheteur, qui était allé rouler, avec une poussée de briques