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l’hallali

les yeux. Celui-là, joyeusement, déclarait qu’il n’avait jamais passé une aussi bonne nuit, après un autre bon jour. Depuis trente ans qu’il traînait la misère par les routes, c’était la première fois qu’il réalisait son double rêve de manger par delà sa faim et de dormir par delà son sommeil. Le baron, l’entendant ainsi parler, tira de son gousset un dernier écu et le lui coula dans les doigts afin que la fête fût complète.

Une voix près de lui disait :

— Eh bien ! monsieur de Quevauquant, nous en avons fait de belles encore une fois, à ce qu’il paraît ?

Il reconnut M. Custenoble.

— Pour une fois, curé, j’ai pratiqué le commandement évangélique : à qui avait faim et soif j’ai donné le boire et le manger.

Et désignant le mort :

— Dieu me l’avait envoyé vide et je le lui renvoie plein.

Le curé expédia les prières : la tête découverte, très grand de buste, Monsieur dominait la petite assistance agenouillée. Les hardes du claque-patin exhalant une fêteur par moments, il soufflait dans ses joues à l’idée que l’âme d’un croquant de cette espèce manquait du parfum spécial aux âmes des gentilshommes. Il ponctua l’amen final d’un coup dans son estomac et fit un