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À la traversée de Pont-à-Leu, tout le monde vint aux portes. C’était un événement, ce départ des dames de Quevauquant, comme aux temps où les grandes dames de la lignée partaient pour la Cour. Dame Barbe n’était pas indifférente à cette curiosité ; très lointainement, quelque chose s’éveilla dans sa mémoire, un rappel des temps où les Lanquesaing aussi quittaient en des voitures démodées leurs terres pour revenir passer l’hiver à la ville. À la vérité, la bonne femme n’avait point connu ce temps ; mais elle l’avait entendu rappeler par sa mère, et c’était devenu à la fin comme si cela lui était arrivé à elle-même. Elle se penchait sur l’apsichet et en voyait des saluts comme avaient dû le faire ses aïeules.

Il y eut un moment où la voiture fut si lourde que Jeannette refusa de tirer. Jumasse, soupçonnant qu’une grappe de petits patauds avait dû se pendre aux ressorts d’arrière, allongea un coup de fouet ; et en effet, il y en avait là deux, montés sur le coffre, pendant que quatre autres se laissaient traîner.

À chaque montée, la bête soufflait : son flanc, cerclé de côtes en relief comme des douves, remuait d’une ondulation de ruche à l’heure de la rentrée des abeilles. On attendait que le poumon lui fût rendu et de nouveau, à petits temps de