Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/242

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rant avec les mains les ganglions du cou, il fut comme un homme à l’agonie. Puis, tout de même, l’accès faiblissait : le souffle lui étant revenu, il retomba d’un bloc, comme un bœuf sur sa litière.

Du bruit le réveilla. Des gens parlaient dans la maison, les voix montaient, s’étouffaient, comme irréelles, très loin, et se croyant en proie à une hallucination, il tenait les yeux dilatés sans se lever. Il bourra du coude sa femme.

— C’est-y que j’ai la berlue, voyons, dit-il, ou bien y a-t-y là du monde qui parle ?

Elle fit un effort pour écouter, mais aussitôt retomba au sommeil. Alors, se tirant du lit, il alla coller son oreille à la porte et cette fois il lui sembla entendre comme une rumeur de ribote.

« Ouais ! pensa-t-il, c’est le jambon qui y passe sûrement, des chemineaux sont entrés. Eh ben, je tirerai dessus comme d’sus des chiens, ah mais ! »

Il passa ses braies, décrocha le fusil que depuis quelque temps il pendait à deux clous dans la chambre et, traînant ses pieds nus, il se coula dehors. Une lueur matinale déjà pâlissait l’extrémité du corridor. Il fit quelques pas, s’orientant d’après les voix et maintenant il n’en doutait plus, c’était de la salle à manger qu’elles venaient. La distance se rapprocha ; le bourdon-