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l’hallali

maine. Une butte boisée dominait le parc qu’à grands frais il avait planté, dans la garrigue. Le soir, il y montait et longuement considérait le grand manoir en ruine. Flanqué de ses tourelles et bordé de ses douves, avec ses cours, sa chapelle, ses dépendances, et par delà la métairie, il gardait, sous ses toits effondrés, ses murailles lézardées et ses fenêtres sans vitres, la fière mine ombrageuse des maisons marquées par une destinée.

Firmin, adroit, plein d’ambition, les crocs et l’appétit d’un jaguar, conjecturait le moment où, inévitablement à son gré, les derniers Quevauquant, réduits à merci, deviendraient la proie du passant qui leur tendrait un sac d’argent ; et il comptait bien être ce passant-là. Tout lui avait réussi depuis qu’il avait retourné sa casaque de domestique, les galons en dedans et la doublure en dehors. La seule infortune qu’il eût connue, la mort de sa femme, tuée dans un accident de chemin de fer, lui avait par chape-chute rapporté le dédommagement d’une extension de territoire payée avec le prix du sang.

Cet homme heureux qu’une première créance avait enrichi escomptait le vaniteux plaisir de relever son nom roturier par la terminaison nobiliaire de « Pont-à-Leu », le jour où, en paiement de la seconde, il acquerrait l’héraldique bâtisse