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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/110

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d’une croisée qui permettait de voir plus loin.

Le village ressemblait à une vaste carcasse à laquelle il ne pend plus que des lambeaux, et les pierres qui restaient encore l’une sur l’autre étaient comme des déchiquetures de chair. On songeait à ces papiers brûlés qui s’agitent pendant quelque temps dans le feu, troués et tailladés par la pointe des charbons, puis s’éparpillent dans une nuée de petites cendres. Et Bazeilles avait, en réalité, cette couleur de papier brûlé, roussâtre et noire.

Ce qui demeurait des façades était sillonné par de grandes lèches noires et fumait comme un poil de bête. Partout se levaient, de dessous les décombres, de petites fumées brunes qui tirebouchonnaient en l’air et parfois se massaient aux coups de vent.

Les bois gisaient à terre par grands tas, formant des encombrements noirs sous lesquels on entendait le bruit de bouilloire du feu qui dort. La pluie, à force de verser, avait poli les solives exposées à la fumée d’une sorte de vernissure sombrement luisante qui leur donnait l’apparence de l’ébène. Et tout cela, poutres,