Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/120

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toujours un voisin pour dire aux autres : « Ah ! ça, vous savez bien, il faudra nous serrer un peu cet hiver. Notre voisin a perdu ses porcs et il faudra l’aider à en acheter d’autres. » Ah bien oui qu’on se donnait la main à Bazeilles, et le monde y était honnête.

« Cette échoppe dont il n’y a plus qu’un mur avec un bout d’enseigne, c’était le barbier de l’endroit. Et à côté, où vous voyez cette grille, c’était le boucher. Et près du boucher, il y avait le marchand de bois, un riche homme. Plus loin il y avait mamselle Jeannette, la plus jolie fille du canton. Et nous autres, les vieux, nous allions le dimanche nous asseoir devant le comptoir où elle travaillait sur une grande chaise de paille, et nous prenions plaisir à voir les jeunes gars lui conter fleurettes et s’user les manches d’habits entre les deux grands pots bleus toujours remplis de fleurs au milieu desquels sa petite figure rose riait. Eh bien, il n’y a plus rien de tout cela.

« Ces gredins ont tout brûlé et ils ont mis dans les caves les habitants pour les faire brûler avec. Mais il y a plus d’un Prussien couché là-dessous avec les autres, car les gens de