Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/151

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On alluma des bougies et ces messieurs prirent dans une armoire des biscuits qu’ils nous offrirent avec du vin de Champagne. Puis l’un d’eux se mit au piano et joua la sonate en fa mineur de Beethoven. L’autre, gros petit homme qui avait des mains comme des battoirs et des lunettes bleues sur le nez, se tenait debout à côté de la bougie et tournait les pages en battant la mesure avec la tête. Et tous deux ne troublaient le grand silence de la chambre que pour crier : Och ! och ! och ! simultanément pâmés.

Ces deux hommes paraissaient avoir tout oublié et ils se plongeaient avec enivrement dans le génie du maître. Ce n’étaient plus d’affreux soudards lacérant à coups de talons les meubles d’autrui et se gorgeant de vin pillé : on eût dit, le soir, au coin du feu, près de ces longs poëles carrés où chante la bouilloire pour le thé, deux vieux compagnons faisant ensemble de la musique, tandis que leurs commères, dans la chambre voisine, racommodent les nippes de la maison en causant du prix des denrées.

Quand celui qui était au piano eût dé-