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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/155

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Ces bons garçons de tantôt roulaient épouvantablement la prunelle et nous eussent battus pour un mot dit de travers ; mais, en dépit de la démangeaison qui nous poussait à élever la voix, nous nous tînmes cois, étudiant les jeux de cette transformation.

Les deux amis, qui après tout avaient de l’éducation et du sens, étaient convaincus que la barbarie régnait en France et la civilisation en Allemagne. Ils rêvaient l’extermination de la France et nous disaient dans leur fureur que les femmes françaises elles-mêmes, « ces pourritures », devaient être fusillées comme les hommes. Les placards et les ordres du jour émanant du quartier général les entretenaient d’ailleurs, eux et toute l’armée, dans un leurre permanent. C’est ainsi qu’ils nous affirmaient que les Français étaient des monstres hachant en morceaux les prisonniers et jetant du salpêtre dans les plaies des blessés. La crainte de tomber dans ces supplices leur donnait un excès de fureur et les affolait à l’heure des combats.

L’histoire jugera un jour les supercheries dignes des Persans, au moyen desquelles on