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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/194

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Il fumait une cigarette et frottait à tout bout de champ du dos de sa main gantée les vitres de la berline. Deux fois de suite il abaissa la vitre de droite et pencha la tête au dehors. La première fois, on vit le képi à galons d’or de Solferino. Il tira vivement la visière, très bas sur son nez, et regarda en clignant des yeux du côté de la mitraille. La seconde fois il était nu-tête, les cheveux plaqués sur son front plat avec des retours sur les tempes, et le bout de sa moustache cirée dans les dents. Il regarda du côté de la mitraille, puis à droite, puis à gauche comme s’il cherchait quelqu’un, leva la vitre, et quand elle fut levée, mit le doigt en l’air pour appeler l’un des généraux qui se tenaient à cheval à quelques pas de là.

Napoléon abaissa une troisième fois la vitre, son képi tiré sur ses yeux, et parla au général : celui-ci fumait et garda sa cigarette à la main. Personne n’a su ce qui fut dit en ce moment, mais le général fit un haussement d’épaules qui signifiait : je ne sais pas, et la glace de la portière remonta avec une sorte d’irritation. Depuis ce moment, l’empereur resta dans le fond de sa voiture, laissant voir sa figure très