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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/208

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dait une fille et du champagne dans un baragouin haché de français. Il demeura plus d’un quart d’heure à frapper du poing les murs et à rouler ses éperons sur le canapé. Le maître de la maison était blême ; les femmes criaient ; les gens de l’hôtel regardaient derrière les portes. À la fin l’homme partit en faisant cliqueter son sabre dans le fourreau et en grommelant des noms de Dieu.

Je gagnai mon lit.

La chambre prenait jour sur une ruelle étroite.

Je levai le rideau et regardai dehors.

Quelques attardés regagnaient en courant leur domicile. Par-ci par-là une fenêtre s’éclairait brusquement. Des lampes circulaient dans les maisons. Chacun, retranché chez soi, dormait d’un œil. On avait peur ; on s’attendait toujours à quelque chose ; personne ne reposait tranquille. Des reflets tremblaient dans l’eau du pavé.

La nuit, pleine d’embûches, était pour les Sedanais un guet du crépuscule à l’aube.

Au moindre bruit dans la rue, tout le monde était debout, des fenêtres s’ouvraient à demi,