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que je sais, moi ? Et puis, nous voyons clair. Oui, nous voyons bien ce qui se passe. Vous veillez toutes les nuits, vous ne dormez plus, vous ne mangez plus. Ah ! je sais bien, moi monsieur Muller, que vous n’avez plus dîné depuis un mois.

— Non, Lamy, ne dites pas cela, s’écria très vivement M. Muller. Ce n’est pas vrai.

— C’est vrai, il ne faut pas jouer la comédie avec Lamy, monsieur Muller.

— Ah ! Lamy, dit M. Muller, tout honteux, ne le dites jamais à personne.

Et ils se serrèrent les mains de toutes leurs forces, bons amis maintenant.


XIV


Le docteur ne venait plus que tous les deux jours et au bout de la semaine, il cessa tout à fait ses visites. Jean se levait un peu vers midi, s’asseyait dans le grand fauteuil près du feu, la figure tournée du côté de la fenêtre, et reniflant la bonne odeur des petits plats que madame Lamy lui fricassait sur le poêle. Elle venait tous les jours, la bonne madame Lamy, et tantôt elle apportait un savouret pour un court-bouillon, tantôt des côtelettes de mouton ou de la viande hachée dont elle faisait des boulettes en y mettant du pain et un jaune d’œuf.

C’était plaisir de voir les yeux que Jean tournait du côté du poêle, quand madame Lamy, ayant tisonné son feu, oignait de beurre sa casserole et que le beurre commençait à chanter ; puis elle posait dessus la viande, y