Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/152

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— À deux francs par tête. Vous aurez un dîner premier numéro. Je m’y connais, moi. Si j’avais voulu, je serais à cette heure première cuisinière chez le roi Léopold.

— À deux francs par tête, ça va. Vous commencerez par de la soupe à l’oignon.

— De la soupe à l’oignon, monsieur Muller ? Y pensez-vous ? La mère Ravigote ne donne pas de la soupe à l’oignon à deux francs par tête. C’est bon pour les dîners à vingt sous, ça.

— C’est égal, j’y tiens, moi. Il m’en faut, voyez-vous.

— On vous en fera, monsieur Muller, parce que c’est vous.

— N’oubliez pas le dessert.

— Pommes, galettes, flans, vous aurez ça, comme chez Dubos.

— Ah ! à propos, vous devriez bien me prêter les nappes et les couverts.

— Soyez tranquille, je vous enverrai tout ça. Et le vin, monsieur Muller ? Vous ne pouvez pas donner un dîner à deux francs — sans vin.

— C’est juste. Mettez deux bouteilles.

— Bon. De quoi ? Médoc, Frontignan, Saint-Estèphe ?

— Attendez donc… Vous allez un train.

— J’ai un bon Médoc à un franc, très comme il faut.

— C’est ça, mettez deux Médoc.

— Je vous soignerai en seigneur, dit la gaie madame Slekx, surnommée la mère Ravigote, à cause de ses sauces à la moutarde.

Et M. Muller était parti, le cœur content.

Mais c’est surtout quand il vit dans son assiette la belle purée aux oignons bien liée, qu’il se sentit le