Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/153

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cœur à l’aise : il poussa un soupir de bien-être, remua plusieurs fois sa soupe avec sa cuiller, la laissant égoutter de haut, lentement, son nez dessus et reniflant à pleines narines.

Et il pensait en lui-même :

— J’avais presque oublié le goût de la soupe aux oignons. C’est une bonne chose de refaire connaissance avec un vieil ami.

Puis il se mit à manger, savourant chaque cuillerée et l’avalant à petits coups comme de la confiture. Et madame Lamy faisait de même, pour voir si la soupe de madame Slekx valait mieux que la sienne, car elle pensait toujours à son ménage, l’honnête madame Lamy.

— Buvons un coup à présent, dit M. Muller après la soupe.

Il déboucha avec précaution les bouteilles, passa sur les goulots la paume de sa main et versa le vin.

Mais rien surtout n’était joli comme d’entendre claquer la bière au sortir de la cruche, et elle écumait, claire et limpide au bord des verres, en moussant et en pétillant.

M. Lamy leva le sien, en homme qui s’y connaît, laissa couler dans son gosier une large gorgée et prononça :

— C’est du lambic des Trois Perdrix, ça !

Puis on mangea du bouilli avec des carottes, et après le bouilli de la saucisse et des choux, et après la saucisse, du rosbif avec des chicorées, et après le rosbif, du poulet et de la salade. Les deux bouteilles se vidèrent coup sur coup, on était très gai, le nez et les joues rouges, et chaque fois que les verres étaient pleins, on les choquait en se portant des santés, de la bonne façon.

Au dessert, M. Lamy dit :

— Jean, vous ne saurez jamais quel homme c’est