Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/164

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l’Oie, et bien d’autres choses encore, qui faisaient penser au bonheur des papas, des mamans et des petits enfants.

Tout à coup M. Muller s’approcha si vivement de la vitrine que son nez faillit passer à travers, et son parapluie exécuta contre le carreau un carillon singulier qui fit lever la tête aux commis courbés sur leur pupitre dans la boutique. Il venait de voir flamboyer, sur une couverture du plus beau vermillon, de jolies figures de fées dans un paysage d’azur et d’or.

M. Muller entra, empila sur le comptoir six petits francs, et prit des mains du libraire son emplette soigneusement ficelée dans du papier gris. En même temps il promenait son nez, relevé par le bout comme une châtaigne, du côté des rayons, aspirant la senteur des livres nouvellement imprimés, et pensant :

— C’est une belle chose de vivre dans une librairie.

Longtemps cette pensée le poursuivit, mais à mesure qu’il approchait de chez lui, son esprit prit une autre direction et il finit par ne plus songer qu’à la joie du petit Jean quand celui-ci le verrait rentrer avec le beau Perrault.

M. Muller monte l’escalier, et, sur le point d’ouvrir la porte, il cache derrière son dos le petit paquet qu’il tient à la main. Son cœur bat, il se dit que le cœur de son père devait battre ainsi quand il rangeait sur la table les livres et les joujoux dans la nuit de la Saint-Nicolas.

Il entre.

La chambre est noire, mais sur le plancher se destine la lueur claire du poêle.

Alors il entend la voix de Jean qui lui dit joyeusement bonsoir et il le voit, accroupi à terre sur un livre, dans le carré rouge découpé par la chattière.

Vite de la lumière ! M. Muller pose son paquet sur