une chaise et il allume le quinquet. Et Jean, qui a pensé toute la journée aux fées et à Perrault, regarde s’il ne verra pas sortir quelque chose de la poche de M. Muller. M. Muller le regarde aussi, de côté, en riant, et quand Jean a les yeux tournés vers le feu, il va lui mettre sur les genoux le livre bien ficelé, en disant :
— Qu’est-ce qu’on dit à présent à son papa Muller ?
Alors Jean, rouge et tremblant de joie, défait le nœud, ouvre l’enveloppe et voit une magnifique couverture rouge avec ce titre gravé en or : Contes de Fées.
XVIII
— Est-ce qu’il y a des gens qui oublient les premiers joujoux et les premiers livres qu’ils ont eus, étant de petits enfants ? Non, on ne les oublie jamais tout à fait et parmi ces livres et ces joujoux, il en est toujours un qu’on oublie moins que les autres.
Voilà ce que pensait le poète Jean Bril en se souvenant plus tard des Contes de Fées de M. Muller, bien longtemps après que le pauvre M. Muller fût sorti de ce monde.
Jamais il n’avait éprouvé une émotion comparable à celle qu’il ressentit lorsqu’il eut étalé sur ses genoux le beau livre avec sa couverture rouge, et il regardait tantôt M. Muller, tantôt le livre, sans oser l’ouvrir. Son cœur était tout gros, et il avait envie de pleurer : il se mit en effet à pleurer et courut se jeter dans les bras de M. Muller, en sanglotant. Oh ! c’était un garçon très impressionnable que Jean, malgré son âge.