Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/197

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Une odeur de café se répand en même temps dans l’air et la cafetière paraît sur la table avec du lait frais, écumant, et des piles de quartiers de sucre. Alors on remplit les tasses et un liquide bouillant arrose les tranches de flammiche dans les gosiers.

Quelqu’un qui fut content de voir fumer le café dans sa tasse, ce fut le plus jeune des deux domestiques, car il avait avalé sa tranche d’un seul coup et il était en train de défaire le nœud de sa cravate pour ne pas étouffer.

La jolie Monique avait pris place près du feu : la flamme de l’âtre allumait deux paillettes dans ses yeux et ses dents s’empourpraient comme d’un joli reflet de roses. La pointe de son oreille était rouge aussi, mais pas autant que ses grosses joues veloutées, qui ressemblaient aux moitiés jumelles d’un abricot.

Donat, par moment, la regardait de côté, de l’air de quelqu’un qui boude, et il la regardait seulement quand il croyait n’être pas vu d’elle. Le bon Donat, à présent, boudait en effet sa chère Monique, mais il n’eût su dire au juste pourquoi.

— Donat, lui dit Monique, quand il se baissa pour jeter une bûche dans le feu, es-tu fâché ?

— Oui, répondit Donat, à cause de ton mariage avec le vieux Chicord.

— Tu sais donc que mon père… Ah ! Donat, je ne te l’aurais jamais dit pour ne pas te faire de chagrin. J’en ai bien assez moi-même.

— Non, Monique, il fallait me le dire. Je l’ai su par un homme de Saint-Gérard.

— Eh bien, oui, c’est vrai, Donat. Mais je ne me marierai jamais.

— Jamais ?

— Jamais.