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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/224

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Les vieux paysans s’en allaient par petits groupes, du côté de l’estaminet qui est en face de l’église, avec son enseigne où il y a un coq rouge dont la queue ressemble aux plumes des papegais du tir à la perche. C’était, en effet, l’estaminet du Coq ronge, un bon estaminet où l’on trouvait toujours à manger du jambon et de la miche fraîche ; le bourgmestre y était déjà avec les échevins. Et Truitje vit parfaitement que les jeunes hommes à leur tour se dirigeaient du côté du Coq rouge, mais Pieter Snip n’eut garde d’aller avec eux. Il prit à gauche, derrière l’église, par la ruelle qui débouche sur la grande route, et tout à coup il aperçut devant lui Truitje qui marchait très vite, ses jupons retroussés, tenant son grand parapluie rouge ouvert au-dessus d’elle. Il faisait un vilain ciel gris sur lequel les arbres et les maisons se détachaient tristement, comme la croix jaune sur le drap noir du catafalque, et la pluie tombait depuis le matin.

— Vous allez bien vite, Truitje, lui dit Piet Snip, d’une voix douce comme le miel.

Il était tout trempé et ses cheveux pendaient sur son nez, plaqués par la pluie, bien qu’au matin il les eût proprement tirés sur ses tempes.

Truitje eut l’air de se débattre contre un grand coup de vent, poussant de toutes ses forces son parapluie devant elle, sans rien dire.

Alors il reprit :

— Truitje, voilà le mauvais temps. La pluie passe par un grand trou à travers notre maison.

L’amoureux Piet avait dû chercher longtemps au fond de sa cervelle pour trouver ce joli propos, car il s’entendait mieux à battre le cuir qu’à parler.