Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Michel commençait les apprêts de la collation. Elle prenait d’abord sa boite à Peko, luisante à l’intérieur comme un miroir étamé et peinte à l’extérieur d’un vernis noir où s’épanouissait un bouquet de fleurs d’or. Du bout des doigts elle cueillait trois pincées de petits grains noirs, sans qu’il y eût dix grains de plus dans une pincée que dans l’autre. Ensuite elle découvrait la boite à Tchoulan, y puisait pareillement trois fois et jetait les pincées l’une après l’autre dans la théière. Puis elle versait l’eau qui se mettait à grésiller, fermait le couvercle et laissait bouillir.

Je la voyais alors extraire de sa grande armoire en acajou, à portes vitrées, les belles assiettes en porcelaines peintes d’un bouton de rose au milieu et les jolies tasses de Sèvres avec leurs soucoupes minces comme une feuille de papier. Elle en retirait aussi les couteaux à manche d’argent, les cuillers gravées au chiffre de la famille, la boite en fer-blanc où étaient les bonbons et le grand sucrier lézardé et craquelé que j’ai sur ma table à côté de ma cafetière, au moment où j’écris cette page.

Et pendant qu’elle préparait ainsi le couvert, des brioches chauffaient dans le four, érigeant leurs petits dômes bruns qui fumaient légèrement.

— Je vais servir le thé, disait enfin ma tante d’une voix presque solennelle. Mettez-vous.

Soyez certain qu’en ce moment le thé avait suffisamment tiré ; non, personne n’aurait pu dire que le thé n’avait pas assez tiré, car ma tante savait exactement le nombre de minutes et de secondes qu’il fallait laisser la théière sur le feu.

Une à une madame Spring, madame Peulleke et madame Dubois s’en allaient prendre dans leur cabas soit des gâteaux à la crème, soit des amandes soit de la