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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/339

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mourir ! Et mourir maintenant de préférence à demain !

» Et cette froide femme répondait :

» — Ah ! Clotilde ! pensez à celui qui seul peut frapper et marquer l’heure à laquelle nous serons frappés.

» Votre vieille tante allait et venait dans la chambre, pendant ce temps, rangeant les objets, toussant, faisant du bruit, tourmentant Poussette et Castor. La bouilloire ronflait sur le feu, comme à cette heure, Stéphane. Un silence régnait dans la maison, car les souillons d’en bas étaient parties se confesser. Et dans la chambre on n’entendait que le bourdonnement de leurs paroles. Savez-vous ce que je fis ? Je remontai d’un cran la mèche de la lampe et je sortis pour les laisser causer plus librement entre elles.

» La tête emmitouflée d’une capeline, je courus chez le pâtissier du Treurenberg. Oui, j’allai jusque-là, avec l’idée de leur faire passer une agréable soirée, et j’achetai des brioches, des macarons, du pain d’amandes et des figues. Mes jambes marchaient comme des jambes de gendarme, droit devant elles, sans que mon esprit les guidât, car il était resté là-bas, avec cette bonne Clotilde que j’aimais de tout mon cœur.

» Et quand je rentrai, au coup de huit heures, après cette course dans la petite neige qui tombait, fine comme de la pluie, j’étais bien mouillée, Stéphane, mais je n’aurais pas troqué mes bottines crottées de boue fondue contre les bottines des « madames » qui, à cette même heure, étaient assises dans une bonne loge à la Monnaie.

» J’avais le cœur à l’aise, oui, le cœur me riait dans la poitrine et le froid devenait pour moi le chaud, parce