Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/94

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terre, ramassa ses pieds dans ses mains en passant les bras derrière ses mollets et se mit à sauter en riant, soufflant et ronflant comme une toupie. Puis, comme il avait chaud et que sa chemise commençait à lui coller au dos, il ôta son habit, son col, sa cravate, et de nouveau, ensuite il s’évertua à des bonds extraordinaires.

M. Lamy se tenait les côtés à deux mains, madame Lamy pouffait dans son mouchoir et Jean frappait ses menottes l’une dans l’autre en appelant :

— Maman ! Maman !

Jamais on n’avait vu pareille chose dans la chambre des Lamy. Et quand M. Muller eut bien fait la grenouille et qu’il eut culbuté trois ou quatre fois les jambes en l’air, Jean disait :

— Encore ! Encore !

Mais le soir était tombé : on alluma la lampe, et M. Muller fit jouer sur les murs l’ombre de ses doigts en imitant l’oreille du lapin, le groin du cochon et la gueule du loup. En même temps il aboyait comme un vrai chien.

Enfin il partit ; il était exténué et suait par tous les pores. Jamais il n’avait tant ri, et il ne cessa de rire qu’en s’endormant d’un gros sommeil d’homme heureux.

C’est ainsi que le petit Jean Bril fit la connaissance de M. le professeur Muller, et ils furent dès le premier jour si bons amis que M. Muller voulut le conduire lui-même à l’école tous les matins.

M. Muller arrivait à huit heures et demie, son parapluie sous le bras, un foulard rouge noué autour de son cou. Il allait d’abord serrer la main aux Lamy, puis entrait chez madame Bril et, la voyant travailler à sa dentelle, malgré l’heure matinale, lui disait :

— Déjà à l’ouvrage, ma chère madame Bril ?

— Votre servante, monsieur Muller. Mais oui, comme