Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/96

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— Voilà le beurre à trente sous la livre. Comment ferai-je pour mettre encore du beurre dans les pommes de terre de mon homme ?

Madame Lamy aimant la musique, on gagnait les kermesses de village. Ils s’arrêtaient aux baraques, s’égayant aux quolibets des paillasses et madame Lamy se retournait sur les jeunes filles qui vont au bal avec des nœuds de couleur dans les cheveux et des ceintures à boucle d’acier à la taille, en disant :

— De mon temps on n’était pas si sotte. On ne courait pas comme ça après les garçons.

Le plus ordinairement ils allaient à Schaerbeck, à Etterbeek ou à Saint-Gilles, là où il y a des champs de blé et de pommes de terre, et ils marchaient l’un derrière l’autre dans les petits sentiers qui filent entre les cultures, en respirant la bonne odeur des terreaux.

Graves et fumant leurs pipes, les paysans se promenaient en manches de chemise, après vêpres, par la campagne, regardant si tout était bien et se baissant pour enlever les pierres ou les mauvaises herbes. Les petits enfants criaient sur le seuil des maisons en jouant avec le gros chat qui agite sa queue, ou mangeaient de grandes tartines, à deux mains. On entendait le bruit des marmites, des assiettes et des fourchettes de fer dans les fermes, et les bœufs mugissaient, aspirant de leurs naseaux tendus, par la porte de l’étable, la verte senteur des prés, au loin.

La chaleur de l’après-midi faisait bourdonner les abeilles, et elles sortaient d’entre les carrés de fèves, lourdes et lasses à force d’avoir sucé les fleurs. Puis encore, de grandes mouches noires s’aplatissaient sur les feuilles, et d’autres, plus minces et grises, planaient immobiles.

Rien n’était amusant comme de voir les petits champs