Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/107

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— De quoi ?

— Tu l’sais ben, de quoi. De toi, d’abord.

Elle remuait les épaules, secouait de petites tapes de son mouchoir sa robe grise de poussière, et répondait, un peu ironique :

— Eh bien, moi, non. J’suis pas jalouse.

Il se balança alors devant elle, souriant et lui disant :

— Si tu voulais, nous serions une bonne paire d’amis, tout de même.

Elle l’écoutait sans rien dire, les sourcils écarqués, gagnée par des songeries mauvaises. Et il répéta sa phrase, d’une voix sourde, très caressante :

— Nous serions une bonne paire d’amis, si tu voulais.

Elle fit un effort.

— Rentrons, dit-elle.

Le champagne qu’elle avait bu dissolvait ses idées. Elle voulut trouver un appui auprès de ses amies, mais elle les vit de loin, mêlées à un quadrille. Alors, comme elle faisait un mouvement d’impatience, il eut un mot brutal, terrible :

— C’est pas la peine. Faudra ben une fois que tu y passes.

Elle le regarda avec stupeur. C’était à elle que cela s’adressait, à elle, la fille du fermier Hulotte !

Et une révolte gronda dans son sang ; puis, le voyant auprès d’elle souriant, paisible, avec son humilité de colosse, comme s’il n’avait rien dit, elle oublia le mot, n’en garda qu’une sensation vague de domination. Elle se sentait aller à cet homme. Et elle se mit à rire en pensant à son assurance si peu déguisée.

Ils dansèrent.

Le soir était tombé. Un soir bleu, criblé d’un fourmillement d’étoiles avec un vent tiède qui soufflait par bouffées. Des quinquets avaient été accrochés aux murs de la