regardant sans les voir les silhouettes des arbres confondues dans une buée ; et le frisson de la terre amoureuse pénétrait au fond de ses veines, faisait couler en elle des sensualités.
D’en bas leur arrivait un bruit sourd de voix et de musique, très doux. Ils virent, au détour d’une haie, la tache blanche de deux visages posés l’un contre l’autre, et Cachaprès se mit à rire. Alors une pensée occupa Germaine : sa mère. En un instant, elle revit ses calmes années d’enfance, le temps passé à ignorer l’homme, la paix profonde de son cœur. Et tout cela allait aboutir à cette chose, être aimée par ce vagabond comme une bête, dans les campagnes pleines de nuit !
Il fit un mouvement et colla sur sa bouche ses lèvres chaudes. Le fer rouge ne l’eût pas brûlée davantage. Elle ferma les yeux, demeura un instant à savourer cette blessure faite à sa chair, et tout à coup, se détachant de lui, brusque, redressée, hautaine, elle poussa un cri et se mit à courir droit devant elle sur le chemin en pente.
Ce fut une chasse dans la nuit. Il l’atteignit, manqua la renverser. Elle le supplia. Pas cette nuit. Demain. Elle se pendait à lui, cherchant à comprimer ses poignets dans ses mains, et ce groupe battait l’ombre avec une fureur de rixe. Des voix qui approchaient les firent lâcher prise. Elle s’échappa.
On la cherchait partout. Il fallut inventer des prétextes. Elle dit qu’elle avait rencontré des connaissances. Elle cita des noms. Même on l’avait obligée à danser sur le chemin. Cela expliquait un peu le désordre de sa toilette. Du reste, à force d’être serrée dans les bras de leurs danseurs, Célina et Zoé étaient aussi mal arrangées qu’elle. Le feu de ses joues se confondit dans leur rougeur à toutes deux. Il y avait de l’homme dans leurs robes fripées comme dans sa robe lacérée, à elle.