Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/116

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ration des choses. Comme les jardins et les champs, le fumier avait son heure d’amour Une création monstrueuse s’engendrait de ses tendresses.

Le soleil mettait son ébullition sur ce fourmillement. La masse des fumiers, grasse, fumante, laissait aller comme une sueur. Et des exhalaisons chaudes s’échappaient de là, par bouffées constantes. En même temps, des odeurs montaient. Ces dégorgements de ventre changés en fumier dégageaient une pestilence forte qui sentait le marécage et l’étable. Les bouses de vache mettaient dans l’air des traînées de musc. Des ferments signalaient les litières de cheval, et une puanteur âcre trahissait les pissées de porcs. Cela formait un large courant de senteurs irritantes et lourdes qui grisait Germaine.

Un besoin de tendresse la faisait défaillir. Et à cette heure elle pensait moins à lui qu’à l’amour, à la connaissance de l’homme, à l’assouvissement de la nature. La femme, c’est fait pour aimer, pour enfanter, pour nourrir des petits. Toute cette joie lui avait été refusée. Elle s’était enfermée dans le dédain jusqu’alors. Aucun homme n’avait trouvé grâce à ses yeux. À présent, elle portait la peine de cette dureté de cœur. Et se sentant effroyablement seule, dans cette gaîté de la campagne amoureuse, elle eut une douleur sombre, sans larmes.


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