Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/129

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choses agissait sur elle avec traîtrise. Mais surtout c’était le silence profond du bois qui l’impressionnait ; cela mettait en elle comme une invitation à dormir, à s’abandonner, à vivre de la vie des arbres. Pour la première fois, elle trouvait la nature bonne et le bon Dieu grand : et elle sentit son cœur monter à ses lèvres dans un sourire.

Le sentier s’élargissait à son extrémité.

Une large ondée de soleil les enveloppa alors, faisant reluire leurs peaux brunes. Et comme une clairière était au bout du sentier, ils y entrèrent en se tenant par la main. Des bouleaux et des hêtres se dressaient là, faisant un petit cercle d’ombre mobile sur la clarté des terrains pelés.

Ils s’assirent sous un des hêtres, lui allongé près d’elle, sa tête dans ses poings et la regardant. Elle glissa la main dans ses cheveux.

— T’as les cheveux comme de la soie.

— La chair aussi, répondit-il.

Et mettant son bras à nu, il l’obligea à passer le doigt sur sa peau, très lisse. Il releva un peu plus haut sa manche, ensuite, et lui montrant ses énormes biceps, en fit rouler la rondeur formidable, comme des boulets. Puis entraîné, il parla de sa force. Une souche d’arbre garnie de sa terre gisait près d’eux. Il la fit mouvoir, d’un large coup de reins. Il parla aussi de son agilité, et par bravade, monta à un arbre, leste comme un écureuil. Il imitait des combats, expliquait comment il s’y prenait pour bousculer dix hommes à la fois, tapant des pieds, des mains et de la tête, et tout en se vantant, étalait devant elle son torse puissant, avec une satisfaction de colosse. Le soleil mêlait une splendeur à ses gestes immenses.

Elle l’admirait, subjuguée. Le sentiment de toute sa