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nage met entre gens de même fortune. Puis, on ne sait pas, un des garçons pouvait faire son affaire de cette amitié qui avait l’air de si bien les unir. La demoiselle aux Malouin était un parti sérieux et le père était connu pour un brave homme. Un rapprochement entre les deux familles devait amener forcément de bons résultats. C’était là l’idée du fermier Hulotte, et il prenait des manières engageantes quand Célina arrivait à la ferme.

En réalité, Germaine ne voyait pas Célina aussi souvent qu’elle le disait. Le plus ordinairement, elle entrait chez les Malouin, comme on va en visite, et n’y restait que peu de temps. Des impatiences faisaient titiller ses doigts, quand la fermière insistait, l’obligeait à prendre de la bière ou du café. Elle s’asseyait alors, les paupières battantes, furieuse qu’on crût si bien à son amitié. Enfin, une raison se présentait de s’en aller, elle se levait. Quelle joie de se sentir libre !

Célina avait le cœur prompt à l’attendrissement. Vivant un peu loin des maisons, elle fut touchée de cette passion soudaine de Germaine pour elle. Le besoin d’aimer quelqu’un s’imposait à sa nature tendre. Et Germaine fut comme un prétexte à laisser déborder le trop plein de sa chaude jeunesse. Une fois, comme elles se promenaient sous les aubépines, son émotion la grisa au point qu’elle lui prit la main, toute en larmes, et lui avoua que de longtemps elle n’avait été aussi heureuse. Le beau droguiste était demeuré dans sa pensée ; elle en parlait avec l’abondance des espoirs déçus.

Germaine n’était pas gagnée par cet abandon. Au contraire, elle lui en voulait d’être si sotte dans son affection et de ne pas voir qu’après tout ce n’était pas pour l’entendre roucouler ses chansons qu’elle, Germaine, venait aux Oseraies. Elle avait la cruauté des amants heureux. Une chose unique l’emplissait, ses rendez-vous avec Cacha-